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  • Photo du rédacteurHugo Bréant

France Culture parle du dossier "Capital social en migration" de la revue Actes

Dans son "journal des idées" du 29 janvier 2019 consacré aux "profils sociologiques des émigrés", France Culture et Jacques Munier ont largement évoqué la parution du dossier de la revue Actes de la Recherche en Sciences Sociales.


Pour réécouter l'émission : lien vers la page de l'émission.

"Les conditions de vie ou de survie des migrants se sont considérablement aggravées dans le monde. Et ceux qui leur portent secours risquent désormais des poursuites pénales.


Un éditorial du Washington Post, publié par Courrier international, s’indigne du sort de quatre bénévoles de l’aide humanitaire qui risquent la prison pour avoir laissé des vivres dans le désert d’Arizona, où l’on dénombre des centaines de morts, alors que les procureurs fédéraux ont renoncé à poursuivre un agent de la police des frontières qui a tiré seize coups de feu en direction du Mexique et tué un adolescent.


La dernière livraison des Actes de la recherche en sciences sociales a choisi de changer de focale pour aborder la question. S’il est vrai que l’urgence humanitaire de la crise des réfugiés et les faits de traitements dégradants, voire d’esclavage, dans certains pays de transit ont « durablement installé une image misérabiliste de la migration internationale dans l’opinion publique », la revue s’intéresse aux ressources des candidats au départ en termes de capital social. Bourdieu l’avait défini comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance ; ou en d’autres termes à l’appartenance à un groupe ». On le sait, ce sont souvent les plus dotés qui tentent l’aventure, ne serait-ce que parce qu’il y faut des moyens auxquels pourvoient les membres de la famille élargie. Et parce que le projet migratoire est le plus souvent une manière d’améliorer son statut social et celui de sa famille restée au pays. C’est pourquoi « la moindre reconnaissance symbolique dans le pays d’accueil peut coexister avec une forte reconnaissance au sein du groupe familial et vicinal d’origine, ce qui renforcera d’autant plus l’ancrage matériel dans l’espace de départ », mais aussi paradoxalement l’intégration dans celui d’arrivée. L’enquête réalisée par Ana Portilla dans un quartier populaire de la ville d’Oakland en Californie évoque l’histoire d’Ismael Rodriguez, qui a connu au bout de dix années une promotion sociale, passant de manœuvre dans le bâtiment à chef de chantier. Il peut ainsi payer les frais de santé de ses parents et racheter progressivement les terres qu’ils ont perdues, et même se construire une maison au Mexique, alors que son statut illégal et le permis provisoire de séjour lié à son emploi l’empêchent de quitter les Etats-Unis pour s’y rendre. Mais tout cela entretient son capital social au pays et facilitera son retour. La sociologue a observé la sociabilité développée dans sa communauté d’immigrants autour de la petite église de Luz del Cristo. Comme partout ailleurs, notamment en Amérique latine, le protestantisme évangélique est le plus souvent une « religion de conversion ». Aux Etats-Unis elle représente plus de 25% de la population, surtout parmi les minorités ethniques. Car il y a « une corrélation entre l’expansion de cette religion et celle du libéralisme économique ». Là où la main gauche de l’État se retire, où le travail informel et précaire se développe, les gens « dépendent de réseaux interpersonnels pour subvenir à leurs besoins ». La communauté ecclésiastique les consolide et les entretient. La question du retour, intimement liée à celle du capital social de départ, est abordée dans l’article d’Hugo Bréant. Il rappelle que c’est le plus souvent « l’affaiblissement des liens sociaux » dans les pays d’origine qui explique le faible taux de réinstallation. Les anciens migrants se retrouvent déconnectés de leurs réseaux locaux, lesquels tendent au fil du temps à « se confondre avec le cimetière du village ».


La Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée consacre sa dernière livraison aux mobilités et migrations dans la mer commune autour d’une « anthropologie de l’absence ». Émigrer et s’absenter – parfois définitivement – faire l’épreuve de l’absence dans l’angle mort des politiques d’État, activer l’absence comme une ressource à distance vers sa famille ou sa communauté d’origine, tous les cas de figure sont au sommaire. L’ethnomusicologue Eckehard Pistrick étudie la dialectique du son et du silence dans la perception des émigrés albanais. L’environnement sonore du pays constitue une mémoire fragile mais entêtante – les sonnailles des brebis, les sons des ensembles de clarinettes qui accompagnent les fêtes, le murmure d’une rivière… Rétrospectifs et prospectifs à la fois, ils ont « la capacité de négocier entre plusieurs spatialités et plusieurs temporalités ». Quitte à se confronter douloureusement aux remugles de la grande ville de l’exil. Il arrive aussi que, dans un accès de nostalgie – le mal du pays – la silencieuse « phonosphère de la mort » se rappelle crûment à l’émigrant, ravivant le sentiment que sa fuite en avant s’apparente à une disparition temporaire."

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